J’ai regardé avec attention l’échange entre la sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret et le député LaREM Roland Lescure sur les conseillers des Français de l’étranger, mis en ligne mardi sur le site du Journal des Français à l’étranger. Je l’ai trouvé utile et éclairant au regard du retour d’expérience, 7 années après les premières élections. Un premier bilan de ce mandat doit en effet être tiré, non seulement devant les électeurs les 29 et 30 mai prochains, mais aussi dans la réflexion du Parlement sur la représentation locale des Français de l’étranger. Il faut pouvoir identifier les réussites de cette évolution institutionnelle et également ses limites ou carences mises à jour à la pratique. Une chose m’a cependant surpris dans l’expression de la sénatrice Hélène Conway-Mouret, Ministre des Français de l’étranger à l’époque de l’adoption de la loi de 2013 créant les conseils consulaires : le raccourci sur le conservatisme allégué des sénateurs et le soutien sans nuage des députés à cette évolution institutionnelle.
J’étais député et je ne garde pas exactement ce souvenir. Les lignes de partage ne séparaient pas seulement la majorité (PS) et l’opposition (UMP) ou l’Assemblée nationale et le Sénat, elles séparaient aussi, par-delà les étiquettes partisanes, celles et ceux des députés des Français de l’étranger élus un an auparavant et qui avaient un passé à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) de tous les autres. Ma collègue Claudine Schmid (UMP) et moi étions les seuls des 11 députés des Français de l’étranger à avoir connu l’AFE comme élus. Nous étions attachés au travail accompli par l’AFE et souhaitions qu’il ne soit pas renvoyé sans autre forme de procès aux oubliettes de l’histoire institutionnelle par l’adoption d’une loi dont la célérité de présentation nous avait surpris. La confiance avait en effet à peine été votée au gouvernement Ayrault en juillet 2012 que le cabinet de la Ministre nous présentait déjà ses idées de réforme, jamais envisagées dans la plateforme de la majorité victorieuse au printemps 2012.
A tort ou à raison, je conserve le sentiment que la loi créant les conseils consulaires trouve ses origines plus au Quai d’Orsay et dans son administration que dans les cercles politiques et parlementaires. Un long travail, mené par l’ancien sénateur UMP Christian Cointat et l’AFE, pointait vers une autre direction : la création d’une collectivité locale d’outre-frontières, qui aurait été, à l’instar d’un conseil départemental, investie de compétences en matière d’action sociale et de bâtiments scolaires à l’étranger. Elle se heurtait cependant à une difficulté constitutionnelle. De ce fait, l’idée de progresser vers une représentation inspirée des comites italiens et du conseil des communautés portugaises m’apparaissait intéressante, dès lors qu’un dialogue libre et fécond entre parlementaires et gouvernement pourrait y conduire. Ce ne fut pas exactement toujours le cas. L’ancienne Ministre se souviendra des conditions dans lesquelles, rapporteur désigné, je dus renoncer à ce rôle après intervention du cabinet de son Ministre de tutelle auprès du président de ma commission.
> Pour un retour d’expérience français et européen
Le temps a passé. L’intérêt, c’est l’avenir. Je crois aux réformes préparées, travaillées et adoptées dans un souci sincère et serein de consensus. Il serait utile que les conseillers des Français de l’étranger qui seront élus à la fin de ce mois établissent une réflexion nourrie par l’expérience sur les forces et faiblesses de ce mandat. Il leur reviendra en juin d’élire celles et ceux d’entre eux qui siègeront aussi à l’AFE. L’AFE pourrait précisément piloter cette réflexion et établir un cadre de propositions à destination du gouvernement et du parlement. Je pense en particulier aux questions économiques et de commerce extérieur, mais aussi d’action culturelle dont les conseils consulaires devraient pouvoir s’emparer davantage, aidés par une évolution de la loi. Se pose aussi la question du statut du conseiller des Français de l’étranger, dont il faudrait qu’il ouvre les mêmes droits et devoirs que pour les élus locaux en France, en particulier en termes de formation, de cadre indemnitaire et de retraite. En clair, il faut armer davantage les élus de moyens pour la juste exécution de leur mandat.
Je pense également qu’un travail comparatif des réalisations et du retour d’expérience de la représentation locale des ressortissants de certains pays européens à l’étranger aurait mérite à être conduit. J’ai mentionné plus haut les Portugais et les Italiens. Il y a aussi d’autres pays avec lesquels pareil partage est possible, en particulier la Croatie et la Roumanie qui ont un cadre de représentation élue à l’étranger, et plus généralement les nations européennes qui ont développé un lien institutionnel avec leur diaspora (Scandinavie, Suisse, pays d’Europe centrale et des Balkans, notamment). Président de la confédération Les Européens dans le Monde, je suis cette question attentivement avec une dizaine d’organisations nationales et régionales d’expatriés et de diasporas. La présidence française de l’Union européenne au premier semestre de l’année 2022 pourrait être l’occasion de conduire ce travail et de le valoriser dans une perspective de meilleure et plus efficace représentation locale des Français et plus largement des Européens établis dans le monde.